Détachée du continent primitif africain il y a plusieurs dizaines de millions d'années, l'île possède en effet une grande diversité en matière de faune et de flore, qu'on ne retrouve, pour la grande majorité des espèces, nulle part ailleurs. Un vrai bestiaire, ou disons une arche de Noé de la Nature, âgé de 25 millions d'années. Un seul chiffre en dit plus long que n'importe quelle phrase: 80 à 90 % d'endémisme. Il existe, par exemple, sept espèces de baobab, alors qu'une seule a colonisé la totalité du continent africain. Ainsi y a-t-il longtemps que la particularité de la nature malgache a fait connaître l'île comme un fameux laboratoire d'étude des mécanismes évolutifs.
Extrait du Guide du routard Madagascar
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"Tout pousse à Madagascar, sauf les cerises !" aiment à s'exclamer les Malgaches attachés au patrimoine naturel de leur île. Abritant la faune et la flore parmi les plus originales et les plus riches du monde, la Grande Île est en effet un sanctuaire où s'épanouissent plantes et animaux ailleurs introuvables: parmi les plus de 10 000 espèces de fleurs recensées, 90 % seraient endémiques.
Outre le millier d'espèces d'orchidées, Madagascar recèle d'étonnantes plantes qui se sont modifiées pour s'adapter à des conditions climatiques extrêmes, tel le Didierea madagascariensis aux longues épines qui fleurit brusquement au contact de quelques gouttes de pluies et le Rhipsalis baccifera, cactus sans épines fleurissant aussi bien en zone aride qu'humide.
Aussi spectaculairement endémique, la faune: sur les 260 reptiles répertoriés, 99 % sont uniques, de même pour les amphibiens et pour plus de la moitié des 220 espèces d'oiseaux recensées. Paradis des lémuriens - une trentaine d'espèces - la forêt malgache abrite les variétés les plus rares dont le babakoto "parent de l'homme", le plus grand lémurien au monde et le aye-aye "se comportant comme un oiseau" et considéré comme le mammifère le plus menacé au monde. La nature malgache recèle de telles merveilles - plus de 800 espèces de papillons - que les chercheurs ne sont pas au bout de leurs découvertes: une espèce inconnue de mangouste et une nouvelle variété de palmiers ont récemment été identifiés.
Extrait du Guide Madagascar aujourd’hui Les Éditions du Jaguar
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Caractères liés à l'insularité
La date et les modalités de l'ouverture du canal de Mozambique restent mal connues. La composition et l'originalité du monde vivant malgache plaident en faveur d'une longue séparation englobant une grande partie de l'ère tertiaire. Cet isolement ancien se traduit par:
Des taux d'endémisme élevés
Qu'il s'agisse d'animaux ou de végétaux, les taux d'endémisme au niveau spécifique sont en général très élevés (80 à 95, parfois 99%, voire 100 %). Les pandanus, les lémuriens, les caméléons ont un taux d'endémisme de 100 %; les amphibiens de 99 %, les palmiers et les orchidées de 95 %. Par contre, chez les fougères ou les graminées, ce taux est faible ou très faible. Ces différences s'expliquent selon les groupes par des aptitudes à la dispersion plus ou moins importantes ou par des arrivées récentes, avec une diversification faible ou nulle.
Par contre, au niveau générique, et surtout familial, les taux d'endémisme s'effondrent considérablement. Sur 207 familles de plantes, on n'en compte que 6 ou 7 qui sont endémiques; chez les animaux, les proportions moyennes sont voisines avec de fortes disparités selon les groupes: toutes les familles de lémuriens par exemple sont endémiques. Les taux d'endémisme au niveau générique sont intermédiaires, souvent voisins de 20 %.
L'endémisme est l'expression directe de l'originalité d'une flore ou d'une faune.
Au plan évolutif, il confond :
• De très vieilles lignées qui ont existé ailleurs, autrefois, et dont un représentant ultime n'a survécu à Madagascar que grâce à la sécurité du refuge insulaire que l'île lui a procuré. Tel est le cas de la tortue d'eau douce Erymnochelys madagascariensis dont on a retrouvé en Afrique des formes affines. Ces survivants sont appelés paléoendémiques. On ne compte souvent qu'une seule espèce pour un genre, parfois une famille: ce sont des reliques phylogénétiques, géographiques et souvent numériques.
• Des lignées issues d’invasions échelonnées dans le temps, au hasard des immigrations réussies qui ont permis la survie et l'installation des arrivants, puis leur colonisation de l'île. Leur conquête des milieux diversifiés qu'offre Madagascar et, parfois, l'acquisition de nouvelles stratégies alimentaires, grâce à des adaptations morphologiques et physiologiques souvent remarquables, est à l'origine de la création de plusieurs dizaines d'espèces, parfois encore incluses dans un même genre, dites néoendémiques.
C'est le cas des amphibiens Mantidactylus et Boophis (rhacophores), des caméléons, des lémuriens, des aloès et des pandanus chez les plantes.
Il en résulte un peuplement curieux, marqué par des introductions successives, d'âges très différents (hétérochronie), espacées par les aléas d'un transport hasardeux en provenance des continents voisins. Ces introductions sont corrélatives des modalités de transport et des adaptations préexistantes des candidats à l'aventure pour de tels transports.
Ce peuplement est marqué aussi par l'absence de familles entières auxquelles le hasard, ou leur arrivée tardive sur les continents voisins, ou encore le manque d'aptitudes à une traversée océanique n'ont pas permis d'atteindre l'île de Madagascar. C'est le cas de nombreuses familles souvent très diversifiées en Afrique: de mammifères comme les bovidés, les cercopithécidés et colobidés (singes), les éléphantidés, les équidés, les félidés; de reptiles comme les varanidés, les agamidés, les lacertidés; d'amphibiens comme les bufonidés.
Ces discordances entre le peuplement malgache et celui des continents voisins, sont qualifiées de disharmonie de composition. Elles s'expriment par une pauvreté parfois accusée au plan familial (pauvreté de fond), compensée au niveau spécifique par de fortes radiations adaptatives.
Les adaptations favorables au peuplement d'une île éloignée s'expriment soit par une résistance à l'environnement marin (protection vis-à-vis du manque d'eau douce, longue survie, aptitude à vivre sur un radeau flottant, comme l' arboricolie), soit par une dissémination aérienne (propagules de petite taille emportées par le vent ou susceptibles d'être transportées par les oiseaux).
Les lémuriens, les caméléons, les geckos arboricoles, sont des candidats efficaces pour une traversée sur un radeau flottant. De nombreux insectes sont susceptibles d'être disséminés par les vents violents (cyclones), occasionnels dans la région.
Les modalités de constitution du peuplement posent le problème de son origine. Le peuplement est composé pour partie d'un vieux fonds gondwanien, notamment afro-malgache, représenté surtout par les paléoendémiques (voir ci-dessus): restionacées, velloziacées, baobabs, Cyathea, protéacées, iguanidés, tortues d'eau douce.
Caractères liés à la taille de l'Île (mini-continent)
Par sa superficie de 587 000 km2 (quatrième île du monde), la disposition de ses reliefs perpendiculaire aux alizés porteurs de pluies, la variété de ses terrains et des formations végétales, Madagascar a été un foyer actif de création de nouvelles espèces (radiations adaptatives).
L'opposition pluviométrique des versants est et ouest, ainsi que de la variante méridionale plus sèche, a permis dans divers genres et familles la formation d'espèces adaptées à chacun de ces trois compartiments. Les exemples sont nombreux: lémuriens, amphibiens, caméléons, pandanus, palmiers, caféiers.
Il reste que le sud et l'ouest, en raison de leurs longues et rigoureuses périodes sèches, présentent une originalité accusée, avec des formes qui leur sont spéciales et qui ont peu ou pas conquis d'autres milieux bioclimatiques: baobabs, didiéréacées, iguanidés.
Les massifs montagneux ont créé des chaînes de milieux différenciés selon l'altitude, avec corrélativement une série d'espèces qui se succèdent le long des pentes. C'est le cas de nombreux amphibiens, du riche genre Mantidactylus, en particulier, qui se sont différenciés sur les principaux massifs malgaches. Tel est aussi le cas des espèces du genre Helichrysum (Composées).
Parfois, la coexistence sur un sommet de deux espèces du même genre ne s'explique que par leur différenciation à partir de deux lignées, l'une orientale, l'autre occidentale, dont les formes sommitales se trouvent piégées sur des aires extrêmement réduites (cas des Lygodactylus blanci et arnoulti sur le mont Ibity, près d'Antsirabe).
L'influence de ces particularités spatiales, sources de biodiversité, s'est trouvée accrue au cours du temps par des fluctuations climatiques, traduites surtout par des alternances de phases plus sèches ou plus humides. Ces phases ont affecté principalement la couverture végétale. Les grandes forêts ont dû se fragmenter, puis fusionner à nouveau. Ces mouvements ont pu, par le jeu de l'isolement génétique, concourir à la multiplication des espèces, aussi bien végétales qu'animales. L'étude de l’incidence de ces paléoclimats, et même celle de leur datation précise, est encore très incomplète.
Extrait du guide : Découverte Madagascar - Guide Olizane
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