Les victimes de la chasse

Les oiseaux empoisonnés

Canard colvert                                           Photographie Alain Fossé - Digimages.info



"Les plombs déversés dans la nature, ne menacent pas seulement les anatidés mais toute la chaîne alimentaire et finalement la santé humaine".
Hubert Reeves



Saturnisme chez les oiseaux


Avec le mercure, et le cadmium, le plomb est l'un des matériaux les plus toxiques. Ce métal est connu pour être responsable d'une intoxication mortelle, le saturnisme. Or ce sont environ 250 millions de cartouches par an, tous tirs confondus (3/4 pour la chasse soit plus de 6.000 t/an de plomb (6500t/an et 1/4 pour le ball-trap soit plus de 2000 t/an ?). Si chacun des 1,4 millions de chasseurs français ne tirait qu'une seule cartouche par an, ce seraient déjà 46,6 t de plomb dispersées dans la nature (466 t en 10 ans).

Les 200 à 300 billes de chaque cartouche de chasse contiennent 30 à 35 grammes de ce poison. L'immense majorité des plombs de chasse ne finissent jamais leur course dans l'aile d'un canard chipeau ou sous le jabot d'une oie cendrée. La plupart des projectiles se retrouvent sur les berges ou coulent au fond des mares, des estuaires et des autres zones humides françaises.

L'exposition des oiseaux d'eau au saturnisme est un fait reconnu dans le monde. En effet, les anatidés, mais également certains rallidés et limicoles, ingèrent des plombs de chasse répandus dans les marais et s'en servent comme "grit", petits graviers qu'ils stockent normalement dans leur gésier afin de broyer leurs aliments. Des millions d'oiseaux meurent chaque année, toute la chaîne alimentaire est touchée. Une contamination de certains rapaces, se nourrissant d'oiseaux blessés ou ayant ingéré des plombs, est également démontrée.

"Avant qu'il ne devienne une réserve naturelle, le lac de Grand-Lieu, au sud de Nantes, recevait 4 tonnes de plomb par an", affirme ainsi Jean-Claude Lefeuvre, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et auteur d'un rapport sur les données scientifiques à prendre en compte pour la chasse aux oiseaux d'eau et aux oiseaux migrateurs. Selon la LPO, 200 millions de grains de plomb, soit 18 tonnes, sont par ailleurs répandus chaque année en Camargue.

Le 5 avril 2001, un groupe de travail mandaté par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a rendu son rapport concernant l'utilisation de la grenaille de plomb de chasse dans les zones humides. Ce groupe de travail était composé de membres issus des chasseurs, des sociétés de tir, des industriels des armes et munitions, des associations de protection de la nature, du président de l'association des élus de zones humides, et des représentants des ministères concernés.

Dans ce rapport, les membres de ce groupe de travail ont reconnu que :

«- le saturnisme de la plupart des oiseaux d'eau, et particulièrement les anatidés, est avéré
- l'utilisation de la grenaille de plomb à la chasse en est le principal responsable.

Les principales conclusions des études et expérimentations sont les suivantes :
- la mortalité directe due à l'ingestion d'un seul plomb est faible. Elle est importante dès l'ingestion de trois plombs.

- la plombémie a un effet négatif sur l'acquisition et le stockage des réserves énergétiques, d'où une possible faiblesse des oiseaux devant reprendre la migration.

- la plombémie ne semble pas affecter la fertilité des mâles, mais réduit celle des femelles (taille des pontes corrélée négativement à la plombémie et diminution de la taille et de la masse des œufs).

- remise en circulation ultérieure dans le sang du plomb stocké dans les os ».

Bien après certains autres états, la France semble prendre seulement conscience de ce problème. En Europe, l'interdiction du plomb dans les zones humides concerne aujourd'hui l'Angleterre, le Danemark, la Finlande, la Flandre belge, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède. La munition au plomb est totalement interdite aux Pays-Bas et au Danemark (depuis 2000). Les U.S.A. ont été le premier pays, en 1991, à interdire l'usage du plomb dans la chasse au gibier d'eau.

Les chasseurs : des protecteurs de la nature ?

Depuis longtemps les chasseurs ont toujours dit qu'ils étaient les véritables protecteurs de la nature, mais dans ce groupe de travail leurs représentants ont enfin implicitement reconnu le rôle de la grenaille de plomb dans l'intoxication des oiseaux d'eaux. Ces nouvelles positions de la chasse française, ne sont pas le fruit d'une nouvelle prise de conscience écologique, mais ont été possible par les pressions de plus en plus importantes des associations de défense de la nature et de la majorité des citoyens, les chasseurs étant de moins en moins en odeur de sainteté dans la société. Pour essayer de redorer leur blason auprès du grand public, il ne serait pas surprenant que les fédérations de chasse proposent prochainement à leurs adhérents de ramasser les journées de non chasse, les cartouches vides abandonnées par les chasseurs sur les sentiers et dans les forêts.

Le changement de législation attendu

La raison d'être de ce groupe de travail sur la grenaille de plomb s'explique par le fait que la France doit ratifier prochainement un « accord sur la conservation des oiseaux migrateurs d'Afrique-Eurasie », signé à La Haye en juin 1995, en application de la « convention de Bonn » sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage.

Ce rapport propose le remplacement des armes utilisées, qui utiliserait d'autres projectiles, comme la grenaille d'acier, comme cela est déjà le cas dans de nombreux autres pays. Cette substitution entraînera des surcoûts financiers pour les chasseurs : achat de nouveaux types d'armes, prix des munitions. Ce surcoût économique a été une des principales raisons pour laquelle les chasseurs français ont traîné des pieds avant d'envisager de nouvelles pratiques de chasse.

Cependant le changement prochain de la législation est-il suffisant ?

La réponse est non. L'interdiction ne concernerait que la grenaille de plomb pour la chasse sur les zones humides. Le plomb resterait autorisé dans la chasse à balle de plomb du gros gibier sur les zones humides. Le groupe de travail a estimé que la "taille de la balle limite grandement son ingestion par le gibier d'eau". Ces propositions ne concernent pas la chasse hors zones humides, et les autres catégories de chasseurs pourront, continuer à déverser, sans aucun scrupule, le poison de leurs armes dans les autres milieux.

Il devient urgent de modifier cette législation, car on a déjà prouvé que l'intoxication touchait également des enfants inuits au Canada, du fait de leur consommation de gibier. Tout consommateur est concerné.

Voir le saturnisme sur Univers Nature



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